JASSERON et ses monuments

JASSERON autrefois

Sculptures classées au sein de l'église de JASSERON

St Maurice, sculpture du XVI ème Siècle, classée au titre d'objet des monuments historique le 22 mars 1910

 

 

 

 

 

 Evêque, sculpture du XVI ème Siècle, classée elle aussi au titre d'objet des monuments historique le 22 mars 1910

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Les verrières, du XVI ème Siècle, classées au titre d'objets aux monuments historiques le 30 juillet 1907

JASSERON et son tramway

 

 

Ne serait-ce-t-il pas défigurer l’histoire de notre village que de négliger l’attachante présence de son tramway durant le premier tiers du XXème siècle ?

 

Une décision du Conseil Général devait faire de JASSERON une localité desservie par la création d’un deuxième réseau dont dépendait la ligne de BOURG à SAINT LAURENT-LES-MACON sur laquelle il se situait. Cette décision était née des satisfactions qu’éprouvaient les populations rurales sur les relations déjà exploitées de BOURG-VILLEFRANCHE, TREVOUX-SAINT TRIVIER DE COURTES, AMBERIEU-CERDON et VIRIEU-RUFFIEU, ajoutons aussi, d’un esprit de clocher de quelques personnalités.

Par scrupule, nos anciens avaient fait s’éloigner le tracé du chemin de fer de BOURG à LA CLUSE, leurs successeurs, accueillaient plus favorablement celui d’un tramway à vapeur pour voie métrique et dès 1906, le département concédait, à la Compagnie des Tramways de l’AIN constituée pour les besoins de la cause, outre les lignes de CERDON à NANTUA, SAINT MARTIN-DU- FRESNE à BRENOD et BRENOD à TENAY, celle qui devait nous relier d’une part à BOURG tout proche et, d’autre part à MACON par le circuit au flanc du Revermont et la Bresse de MONTREVEL.

Au préalable des travaux de construction, les annexions de terrains fixaient l’épisode des grincements de dents. Il fallait cisailler des parcelles auxquelles les familles tenaient particulièrement. Amiablement ou judiciairement les achats étaient traités a des prix qui allaient du décime au demi-franc le mètre carré, compte tenu de toute dépréciation. Le projet initial prolongeait l’accotement isolé en bordure de la route de BOURG sur son côté Nord, d’une déviation dont la naissance se situait au bas du village, au pied de la première rampe. Une courbe d’entrée suivie d’un alignement droit permettait d’atteindre la route de MEILLONNAS dans le voisinage du carrefour formé par celle-ci et les chemins de l’église et des Granges Besson. La gare s’était imposée en cet endroit. Au-delà, le tramway devait circuler à même la chaussée, la voie étant posée en rails noyés. Des protestations ne manquèrent pas de s’élever sur la gêne qui en résulterait. Le conseil municipal prenait alors la sage position d’exiger un parcours tel que nous le connaissons par contournement au nord du cimetière.                                                                         

Ce changement entrainait une variante accompagnée d’une dépense imprévue, il en coutait à la commune une substantielle redevance. L’emplacement de la gare était alors reporté au lieu qui conserve encore cette appellation.

La Compagnie des Tramways de l’AIN par son Président, Monsieur VIAL, faisait exécuter les travaux d’établissement dans la partie qui nous concerne par une entreprise connue sous le nom de CORDIER. Le fils de l’entrepreneur, chargé des surveillances, se manifestait surtout, par ses traversées en trombe du village au volant d’une automobile aux formes de nos plus récents bolides. A l’époque, la route n’était pas goudronnée, poules et chiens y trouvaient leur champ d’activité, c’est dire, que chaque passage de l’individu provoquait l’hécatombe dans un nuage de poussière.                                               

L’entreprise sous-traitait sa besogne à des particuliers. C’est ainsi qu’il faut attribuer à une équipe locale renforcée l’infrastructure de notre déviation. Le mouvement des terres s’effectuait à la brouette ou à l’aide de petits wagonnets à benne basculante, sur voie à faible écartement. Les gosses du village étaient friands de ces engins dans les moments opportuns. Cet usage n’était hélas ! pas toujours sans désagréable surprise et les sanctions par l’instituteur suivaient chaque plainte. La construction des bâtiments était confiée aux maçons des agglomérations où s’élevaient gares et abris. JASSERON avait sa gare en une bâtisse de deux pièces, un bureau, une salle d’attente, disposés au niveau du sol, une cloison séparait l’une de l’autre avec le guichet vitré. Accolé à l’édifice était un quai découvert à hauteur de plancher des wagons. La plateforme terminée, rapidement la voie trouvait son assise, où l’y fixait un grossier ballast acheminé de BOURG. La section de BOURG à TREFFORT devenait ainsi une réalité pour l’inauguration de laquelle la date du 14 juillet 1913 avait été réservée. Ce jour-là, le train officiel pourvu de sa locomotive pavoisée, de sa grande voiture à boggies et d’un fourgon à bagages faisait halte dans notre station. Alignés sur le trottoir central (entre la voie principale et celle du garage) nos élus communaux saluaient ceux chargés de couper les rubans. Plus en retrait, d’autres personnes au regard moins chaleureux considéraient la cérémonie. Ceux là appartenaient aux laissées pour compte, victime d’une faillite au lendemain de l’encaissement par le maitre de l’œuvre d’un mandat susceptible de les régler de leurs efforts à la réalisation d’un ensemble profitable à la contrée.

Avant le raccordement à BOURG-Mail, les trains partaient de la gare logée de BOURG-Central, emplacement actuel de la caserne des pompiers. Le dépôt des machines et l’atelier de réparations n’était autre que le bâtiment utilisé comme parc des PTT, avenue des sports. Deux navettes journalières desservaient le tronçon BOURG-MOULIN DES PONTS où existait également un dépôt et la gare d’échange avec le PLM de l’époque.

Le passage des trains à JASSERON s’effectuait sensiblement suivant l’horaire actuel des cars en direction de BOURG mais un train remontait le matin à huit heures avec le service postal pour redescendre à 17 heures. A midi, il était possible de se rendre à MACON et en revenir. Une receveuse gérait la gare de JASSERON. Elle était l’épouse d’un cantonnier de la voie qualifié de poseur. Une équipe de trois ou quatre hommes avait son attache à JASSERON pour un parcours moyen de dix kilomètres. Cette équipe commandée par le brigadier-poseur avait mission de faire en sorte d’assurer la bonne circulation des trains comme lui incombait la bonne tenue des emprises du chemin de fer par ailleurs réglementée.

La première guerre mondiale ne devait pas contribuer à faire progresser une exploitation naissante.

Le manque de matières, le manque de personnel laissaient en 1919 des installations en mauvais état. Il fallait rénover c’est-à-dire dépenser. Le déficit des lignes faisait l’objet de demandes renouvelées au Conseil Général par les différentes sociétés exploitantes. Les taux kilométriques alloués suivant les régions restaient de nature à provoquer des conflits au détriment des usagers.  Pour mettre un terme à ces exigences, le Département rachetait notamment la compagnie des T.A. et constituait à son compte la REGIE DEPARTEMENTALE DES TRAMWAYS. Cette administration devait connaitre pendant quinze ans une activité débordante au bénéfice notoire du réseau routier dont l’état était au plus mal.

JASSERON a connu tous ces trains de cailloux ! Les brèches dans la montagne de ROISSIAT, dans celle de PRESSIAT et même de JASSERON sont là pour en témoigner et encore, outre les classiques services quotidiens, nous ne pouvons oublier ces voitures surpeuplées du mercredi où les cages et paniers dissimulés sous les banquettes voisinaient des pieds de nos braves fermières attirées au marché. Souvent, il fallait ajouter à la formation surchargée, le grand wagon stationné en permanence à JASSERON. Les gens de DROM, de MONTMERLE et d’ailleurs ne venaient-ils pas prendre le « tacot » chez nous ? Inconcevable aussi serait de ne pas rappeler le nombre incalculable de pèlerins déversés les lundis de Pâques et de Pentecôte lors des rendez-vous de prières à Notre Dame des Conches. Soucieuse de satisfaire sa clientèle, la Régie avait même instaurée des services voyageurs par automotrices modernes et rapides. 

Nous vivions alors les évènements de 1936 et leurs effets d’accorder au personnel des salaires convenables. La charge devenait parait-il insupportable. Des intérêts privés surgissaient, ils n’étaient pas les moins soutenus. Il fallait à flots licencier des agents pour atténuer un déficit croissant. L’automobile prenait rang. Les routes devenaient trop étroites. Le besoin d’élargissement s’imposait sur l’emprise d’accotement de la voie ferrée. Notre tramway était par avance condamné. Des comités de défense s’élevaient sans pouvoir imposer leur point de vue. A ce titre, il faut citer notre ancien instituteur, M. Masson, retraité et Maire de TREFFORT dont l’action, conjuguée avec celle de son conseiller général, M. BONNET, un ancien professeur de Carriat, avait été de retarder une échéance pour finalement s’incliner devant un vote à peine majoritaire du Conseil Général. Nous étions en 1938, les premiers cars prenaient la succession alors que les lueurs d’un deuxième conflit apparaissaient.

La voie ferrée abandonnée laissait à la proie des ferrailleurs le matériel roulant. Locomotives et châssis de wagons subissaient la flamme du découpage. Les caisses récupérées devaient cabanes de jardin ou vestiaires de stades. Septembre 1939 voyait la mobilisation suivie de l’appel du gouvernement à l’acier victorieux. La dépose des voies commençait. Les rails de notre tramways acquis à la défense nationale devaient s’expatrier vers CHATEAUROUX à l’effet de constituer l’armature du dôme d’une usine souterraine d’aviation. Les traverses relevées par une compagnie de militaires cantonnés au village s’édifiaient en artificiels barrages des accès à l’agglomération devant la progression ennemie. Les véhicules de remplacement du tramway que possédait la Régie avaient entre-temps fait l’objet d’une réquisition par l’armée. Les services n’étaient plus assurés et plus tard, lorsqu’ils le furent, une lamentation s’offrait à nos yeux de constater comment devaient se trainer ces guimbardes équipées de gazo-bois. Alors seulement revenait à notre esprit le souvenir de ce tramways trop tôt disparu.

Le déclassement des lignes devait consacrer le dernier acte d’une séparation. Les terrains rétrocédés redonnaient forme aux parcelles initiales. Certains tronçons remodelés devenaient des chemins de desserte. En bordure des routes, un transfert se pratiquait au profit du service intéressé. Enfin, la gare de JASSERON acquise par la commune était affectée, pour son emplacement à des dépôts de matériaux routiers et aux séjours de rouletiers. Son bâtiment transformé en logement abritait naguère un ménage d’ouvriers avant de devenir le rendez-vous des clochards sous l’action desquels sa toiture flambait un beau matin. Pendant longtemps, ses ruines imploraient la pitié du passant. Depuis, bulldozer et cylindre ont nivelé le tout avec pour résultat de rendre au sol sa destination prévue de place publique.

Certes, les vestiges de notre tramway subsisteront çà et là. Ils seront pour les plus anciens le souvenir d’un passé toujours vivant de ce bon vieux temps où il n’était nul besoin d’envisager des déviations pour assurer la sécurité du piéton. Pour eux seuls, peut-être, une infinie tristesse rejoindra leurs regrets ! 

Merci à l'association  "LES AMIS DE JASSERON" pour avoir créé et fourni cet article, association qui oeuvre pour la sauvegarde de la mémoire et du patrimoine de la commune.

Le poids public

        LE POIDS PUBLIC (ou bascule publique)

Erigé en 1892 par la municipalité de JASSERON, dont le Maire était Benoit TRIQUET .

Situé au n°1 de la rue Charles Robin, le petit bâtiment du poids public Jasseronnais, au toit dégagé de son lierre invasif et rénové par Les Amis de Jasseron accompagnés d’élus municipaux, abritait un système de pesage officiel à la disposition de tous mais utilisé principalement par des agriculteurs.                                                                                        

  A cette époque beaucoup de communes disposaient de cet équipement qui permettait de déterminer le poids de denrées notamment agricoles (foin, paille, bois, betteraves, …) et d’animaux (chevaux, veaux, vaches, bœufs, cochons...)  destinés à la vente à un prix établi en fonction de leur masse. C’était une personne assermentée, appelée le préposé, qui opérait et qui délivrait un bon de pesage. Située à l’avant du bâtiment, une plateforme de pesage au-dessus d’une fosse, aujourd’hui comblée, recevait les denrées ou animaux à peser. Dans cette fosse un système complexe de leviers était relié à l’appareil de pesée du bâtiment fonctionnant sur le principe de la balance romaine (voir photo ci-dessous). Cet antique appareil subsistant encore aujourd’hui mérite un dérouillage significatif. Son utilisation s’est achevée dans les années 1960.

Pour exemple, ci-dessous, la souche du bon de pesage n° 496 avec l’exemplaire destiné à M. PROVEL qui devait vendre un veau de 74 kg à M. MOISSONNIER, boucher, qui exerçait son activité à l’emplacement de la boucherie aujourd’hui fermée. Pour ce pesage le veau était attaché sur la plateforme. Également ci-dessous la souche du bon n°85. M.CORNATON devait vendre un camion de foin à Jules SORET. On peut lire le poids brut, la tare (poids du camion) donc le poids net du foin de 1984 kg. Apparait également le prix du pesage de 2.50 francs, au profit de la mairie.

Ces souches et le bon de pesée sont issus d’un registre comprenant 515 pesées datées du 17 février 1932 au 15 août 1933, ce qui représente une activité de 29 pesées par mois. A cette époque, le préposé était Joseph VIEUX qui demeurait au n°36 de la rue Charles Robin près du poids public et qui exerçait également le métier de charron-forgeron (fabrication notamment de chars à roues en bois). Son épouse élevait quelques vaches. Ce registre, ainsi qu’un autre comprenant 490 pesées datées du 21 novembre 1925 au 5 janvier 1927, soit 35 par mois, a été remis gracieusement aux Amis de Jasseron dernièrement par Joel FRAYSSE qui les avait découverts dans la maison de Joseph VIEUX qu’il a habitée.

Aujourd’hui, le local de ce poids public, témoin d’une activité commerciale soutenue d’autrefois, abrite le stock de sel servant à dégager le verglas des trottoirs et des chaussées communales. Ce sel sera transféré prochainement dans les locaux techniques municipaux et l’avenir du local, nécessitant une rénovation intérieure, restera à définir.

        Les Amis de Jasseron                                 

La carrière de JASSERON

 La carrière de Jasseron était située au pied de la colline de la tour, au lieudit Petit Corvey, Route de Meillonnas.

Elle a été ouverte dans les années 1930 par Monsieur ABEL entrepreneur de maçonnerie, dont le dépôt était situé rue Jan Jaurès à Bourg-en-Bresse, plus tard emplacement du garage Renault qui partit après en zone industrielle. N’ayant pas de voiture il montait à Jasseron en vélo ou en charrette à cheval.

Au début de l’activité il n’y avait aucun bâtiment, les ouvriers apportaient leur casse-croute et mangeaient sur le site par tous les temps. M. ABEL avait pour seul bureau une table en rondins implantée sous un arbre sur une butte de terre, d’où il pouvait surveiller son chantier.

Il a employé plusieurs habitants de Jasseron et des environs, mais aussi des italiens qui avaient fuis avec leur famille le régime de Mussolini et également un tchèque (dont la fille s’est mariée avec un jeune de la région) qui, à partir de 1943, exploita la ferme du Hameau de Bramafan.

L’extraction du rocher se faisait par deux minages journaliers à midi et à dix-huit heures, orchestrés par un spécialiste des explosifs occupé à plein pour les positionner par forage. Minages dont les doses de poudres parfois excessives ébranlaient la maison de l’Hermitage et celles du quartier de l’église situées sur le même banc rocheux. Le bruit assourdissant de ces mines s’entendait bien au-delà des limites communales et signalaient les fins des demi-journées notamment aux cultivateurs occupés aux travaux des champs. Les mines de la carrière de Ceyzériat déclenchées aux mêmes heures apportaient le même service.

Ces tirs de mines, éclataient la roche formée de plaques verticales, qui s'étalait au sol. Le patron délimitait alors un lot attribué à chaque ouvrier. Les veinards héritaient de caillasse trop terreuse laissée en dépôt sur le site, d’autres de petits blocs à transporter à la brouette et à charger sur des tombereaux tirés par des chevaux pour être livrée en clientèle, et les moins chanceux héritaient de gros blocs qu’ils devaient casser à la masse avant transport et chargement. Plus tard, une partie des brouettes fut remplacée par des wagonnets posés sur des rails à voie étroite que les employées poussaient jusqu’à un concasseur qui remplaçait les masses.

        Ces travaux très pénibles n’étaient pas encadrés par les règles de sécurité d’aujourd’hui, si bien qu’en 1946 un employé entrainé par son wagonnet, fit une chute mortelle, laissant derrière lui une famille nombreuse que la maman couturière éleva seule courageusement. Plusieurs autres accidents marquèrent des employés qui pour certains durent être amputées d’une jambe.

Trop terreuses les roches ne pouvaient pas être taillées et mis en œuvre pour la construction de bâtiments. Ces matériaux étaient destinés principalement à l’aménagement des routes, des chemins et des cours de ferme. Avant l’installation du concasseur ils étaient sous forme de petits blocs difformes mais après concassage c’était du gravier calibré. Une petite partie était utilisée pour la fabrication de moellons pleins assurée par un Jasseronnais demeurant au bas de la rue Charles Robin, près d’un atelier de tourneur sur bois. On peut encore voir dans la commune des constructions portant ces moellons notamment au n°107 de la rue des Combes Favre.

 Les chevaux étaient guidés majoritairement par des Jasseronnais, dont le fils de l’un devint forgeron maréchal ferrant. Ils étaient rentrés le soir dans les écuries du café-hôtel-restaurant CRETIN, (nom encore peint sur l’immeuble) racheté par la famille BENEZETH, contigu au magasin Comptoir Général. Afin de nourrir ses chevaux durant l’hiver l’entrepreneur ABEL achetait du foin à des cultivateurs de la commune ou des environs. Pour preuve, on retrouve dans les registres du poids public, sur des souches de tickets de pesées datés de 1932, le nom d’ABEL entrepreneur.

Puis une seconde voie fut installée sur un cheminement en terre permettant la circulation de wagonets jusqu’à une trémie construite en bordure de la route départementale. Trémie qui permettait le chargement des pierres dans les wagons du train dit « le tacot » qui les transportait dans toute la région. Les chevaux approvisionnant alors seulement les chantiers locaux.

Et peu à peu ces chevaux furent remplacés par des camions, l’un de marque Liberty équipé à l’arrière de roues à bandage caoutchouté et à l’avant de pneus étroits, conduit par un jeune célibataire originaire des bords de Saône, qui prenait pension à l’hôtel-restaurant Bénézeth, avant de loger rue Charles Robin. A la saison des battages il interrompait son activité à la carrière pour chauffer la chaudière à vapeur qui entrainait la batteuse.  Un deuxième camion, de marque Lattil, était conduit par un polonais qui cessa son activité pour partir à la guerre dans son pays. Puis un troisième camion, un Berliet, dont le moteur fut adapté pour fonctionner au gazo-bois pendant la guerre en remplacement de gas-oil devenu rare.

En 1939 fut entrepris la construction par l’armée française, avec l’appui de réfugiés espagnols, de l’important dépôt de munition à la forêt de la Réna sur Péronnas. Une dizaine de militaires prenant pension à l’hôtel-restaurant Benézeth avaient pour mission de charger et de transporter les produits de la carrière avec leur camion de marque Saurer afin d’empierrer les abords de ce dépôt. Leurs rares moments de repos leur permettaient de faire de bonnes bringues et aussi quelques conquêtes féminines. Par la suite ce dépôt de munition tomba entre les mains des allemands qui, devant l’avancée des troupes américaines, projetèrent de le faire sauter avant de fuir. Ils y avaient déposé d’énormes charges explosives. Trois maquisards du Revermont ayant eu vent de ce funeste projet se firent embauchés comme manœuvre par les allemands et réussir à désamorcer à temps une partie de ces explosifs et ainsi diminuer l’intensité de l’explosion qui, en 1944, retentit malgré tout jusqu’à Jasseron. Sans cette courageuse intervention on imagine que Bourg-en-Bresse aurait été sérieusement endommagée.

A la carrière un bâtiment, aujourd’hui une miellerie, avait été construit pour y loger des ouvriers et aménager un bureau. Malgré ce bureau, les jours de paie le fils Abel convoquait ses employés dans la grande salle de l’hôtel-restaurant Bénézeth où, en buvant des « canons », ils attendaient d’être appelés individuellement à la cuisine pour recevoir leur enveloppe des mains du patron ! Enveloppe qui leur permettait de reboire de nombreuses tournées. A la fin de la journée leur « soulagement » contre le mur du restaurant donnait naissance à un petit ruisseau le long du trottoir jusqu’à la première grille d’égout.

Après la guerre une quinzaine de prisonniers allemands et italiens séjourna à Jasseron, employés pour certains à la carrière, logeant dans le petit bâtiment sous la surveillance du geôlier surnommé « Gogant ». D’autres travaillaient dans des fermes de la commune. Ceux-là devaient se regrouper le soir dans les bâtiments de la ferme aujourd’hui emplacement de la piscine de la colonie de vacances Etoile du Matin. D’une manière générale ils donnaient satisfaction à leurs employeurs. Certains bénéficiaient d’une petite permission les dimanches après-midi durant laquelle ils trinquaient un peu trop et avaient parfois bien du mal à regagner leurs couchettes à l’heure imposée.

Plus tard, le fils Abel construisit le grand bâtiment du nord qui abritait un logement pour un chauffeur de camion et un garage où travailla un jeune mécanicien jasseronnais y assurant l’entretien des camions, du matériel et des voitures du patron : une Citroën C5 remplacée plus tard par une grosse Hotchkiss de 13cv.fiscaux !

Sous l’autorité d’un contremaitre compétant, l’activité de cette carrière était soutenue. Mais dans les années 1955-60 une panne du concasseur nécessita de grosses et couteuses réparations et l’entrepreneur Abel ne disposant pas des moyens financiers indispensables arrêta l’exploitation de sa carrière concurrencée par celle de Ceyzériat et de Meillonnas avec des produits de meilleures qualités. Il se limita à diriger son entreprise de maçonnerie de Bourg-en-Bresse. Il vendit le site de Jasseron au forestier qui possédait la scierie, aujourd’hui désaffectée, implantée en bordure de la départementale à Sanciat, hameau de Meillonnas.

En 1960 ce nouveau propriétaire loua toute la propriété à l’entreprise chargée de la pose, à l’ouest du village, d’une canalisation de transport d'hydrocarbures liquides, de 80cm de diamètre, au profit de la Société du Pipeline Sud-Européen. Cette entreprise y installa ces bureaux de chantier et un impressionnant parc de Matériel. Ses employés firent fructifiés le commerce local, notamment l’hôtel restaurant de La Terrasse, en sommeil aujourd’hui, et marièrent quelques filles de la région. En 1972, l’opération se renouvela pour la pose d’une deuxième canalisation de 100cm de diamètre, parallèle à la première.

C’est aussi dans cette période que l’ancienne zone d’extraction avec ses monticules de gravats et de terre servit de premier terrain d’entrainement en mobylette, puis en moto réformées de la gendarmerie, à André Galland, champion de France de side-cars cross en 1971, hélas décédé la même année dans un accident de voiture à l’âge de 25 ans.

En 1973 ou 1974 la société BIG DUTCHMAN dont le siège social était à Saint Brieuc loua l’ensemble pour y installer une agence avec ses bureaux et son entrepôt de matériel. Elle commercialisait des équipements pour des élevages de poules pondeuses et accessoirement pour des porcheries et rayonnait sur toute la région Sud-Est. C’était la période du grand développement des bâtiments d’élevages hors sol, augmentant le revenu des agriculteurs. Cette entreprise fut remplacée plus tard par la Société TECHNI-SERVICE assurant la diffusion et l’entretien de matériels agricoles.

En 1993, Thierry et Nathalie CHAVAND achetèrent toute la propriété et y implantèrent leur activité d’apiculteur en 2007. Aujourd’hui en GAEC avec leur fils Raoul ils disposent de ruchers sur le site, dans la montagne toute proche mais aussi dans le Jura et la Drôme. Ruchers qu’ils déplacent suivant les périodes de floraison. Ils assurent l’extraction, le conditionnement et le stockage de leur miel qu’ils commercialisent sous le nom des « Ruchers d’Amédée ».

 Travaillant avec un millier de ruches, ils soignent le renouvellement de leurs essaims en élevant des jeunes reines qu’ils commercialisent en partie.

Aujourd’hui la végétation a effacé quasiment toutes les traces d’extraction du rocher, les abeilles « parquées » sur le site peuvent butiner calmement bénéficiant de la proximité de la colline du château.

Assurant des emplois, faisant fructifier les commerces et les entreprises locales, cette carrière a marqué la vie économique de la commune. A cette époque le centre du village était très animé, de nombreux commerces s’y côtoyaient. Il y régnait un esprit de convivialité non perturbé par le peu de circulation automobile, ni part le faible trafic des camions de la carrière…

 

      Rédigé en décembre 2020 par « Les Amis de Jasseron » grâce aux souvenirs de Jean BERRY qui a côtoyé des acteurs de cette carrière et à plusieurs anecdotes de Marie Thérèse CHARRIERE.